Sentiment affirmé de priorité : temps de réponse, comportement de conduite et infrastructure routière
Porteur de projet, laboratoire et organisme :
Joel Yerpez, LMA, TS2, IFSTTAR
Partenaires du projet :
JONCTION Bureau d’Etudes - Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement de l’Ouest (CETE Ouest) - Université de Toulouse
Le Mirail, Laboratoire Cognition, Langues, Langage, Ergonomie, CNRS UMR 5263
Rapport final, Projet SANTAFE, 116 p., 2015.
Rapport intermédiaire n°2, Projet SANTAFE, 90 p., 2014
Rapport intermédiaire n°1, Projet SANTAFE, 82 p., 2013
Objectifs initiaux du projet
Le projet étudie, de manière approfondie et novatrice, le sentiment de priorité, observé dans des études détaillées des accidents, grâce à des expérimentations sur simulateur de conduite. Plus précisément, la recherche porte sur l’analyse des temps de réponse des conducteurs, en lien avec l’infrastructure et les variables psycho-sociales propres aux conducteurs [optimisme comparatif] dans une perspective intégrée, c’est-à-dire prenant en compte simultanément le comportement et l’infrastructure.
Méthodes appliquées
Une centaine de sujets est soumise aux différentes étapes de la recherche étalées dans le temps :
• Questionnaire de psychologie sociale sur internet présenté sous forme d’échelles de perception du risque.
• Expérimentation sur simulateur : étude du temps de réponse des participants confrontés à un véhicule non prioritaire en intersection sous différentes conditions.
• Entretien semi directif « post passation » qui a pour objectif de spécifi er la manifestation du sentiment de priorité détectée après la conduite sur simulateur et d’alimenter qualitativement les réactions repérées par l’expérimentateur.
• Questionnaire « post passation » qui reprenait en partie les questions du premier questionnaire rempli sur internet.
Résultats majeurs
Si les résultats issus des expérimentations sur simulateurs apportent des éléments de réponse intéressants, les relations entre les résultats sur simulateurs et les composantes psychosociales sont diffi ciles à mettre en évidence.
Concernant le simulateur, les résultats obtenus en termes d’occurrence des collisions confi rment les hypothèses de départ sur les conditions expérimentales et leurs effets renforçateurs sur le sentiment affi rmé de priorité. Ainsi, les conducteurs des trois groupes soumis aux consignes et/ou aux panneaux, renforcésdans leur statut de prioritaire, ont eu deux fois plus d’accidents que les conducteurs testés sans panneau ni consigne.
Sur l’ensemble des conducteurs : à partir du moment où le véhicule non prioritaire débouche, la première réponse des conducteurs se situe en moyenne autour de 1,6 s. Les conducteurs actionnent le frein en moyenne 2,5 s après avoir vu le véhicule non prioritaire démarrer. Les temps de réaction des conducteurs accidentés sont supérieurs à ceux des non accidentés indépendamment de leur groupe expérimental. En effet, les conducteurs non accidentés réagissent plus vite à ce seuil d’urgence, et ce, quel que soit le type
d’action.
Le « non accidenté » va réagir à 1,4 s et lever le pied pratiquement au même moment mais va freiner tard à 2,9 s mais ça marche ! Alors que « l’accidenté » va réagir à 1,8 s et lever le pied pratiquement au même moment mais va freiner « tôt » à 2,10 s mais ça ne marche pas ! En ce qui concerne le lever de pied et le freinage, un décalage de quelques centièmes de seconde dans la mise en oeuvre de ces actions se répercute directement sur la survenue de la collision.
La réaction plus rapide pour les conducteurs non accidentés pourrait être expliquée par leur vigilance accrue durant la phase d’approche de l’intersection. Ces conducteurs seraient en poursuite d’observation du véhicule
non prioritaire. Toujours en alerte, ils seraient en mesure de réagir plus rapidement.
Ainsi, ce ne serait pas uniquement le faible temps de réponse qui permet d’éviter l’accident mais aussi la qualité de la réponse. L’analyse de l’enchaînement des manoeuvres réalisées par les participants met en évidence une différence signifi cative, entre accidentés et non accidentés, du nombre de manoeuvres réalisées au niveau du seuil de perceptibilité, particulièrement, en amont de l’intersection. Les non accidentés effectuent davantage de manoeuvres de régulation que les accidentés au début de l’intersection, ils ont alors moins de diffi cultés à réagir effi cacement en situation d’urgence.
Question de genre : il n’y a pas de différence entre les temps de réaction des hommes et celui des femmes en situation d’urgence ni en termes de collision. Les hommes réagissent plus tôt en amont de l’intersection (seuil de perceptibilité de l’intersection). Ils réagissent par un lâcher de pédale. Ils feraient davantage preuve de prudence à cette étape.
Verrous ou points durs levés
La méthodologie employée s’inscrit dans une approche originale et complémentaire. En effet, plutôt que de mesurer a posteriori le Sentiment Affi rmé de Priorité (SAP), il s’agit de tenter de le manipuler expérimentalement. Dans une logique systémique, nous avons mesuré des variables psychosociales susceptibles d’interagir avec le SAP sur le comportement des conducteurs. Afin d’en mesurer les effets, nous avons eu recours à un simulateur de conduite. L’utilisation d’un simulateur de conduite permet d’avoir une situation la plus écologique possible et une mesure comportementale quasi-réelle et complémentaire aux données déclaratives des questionnaires et de l’entretien.
Perspectives ouvertes par le projet et verrous subsistants
Les résultats obtenus ont permis de démontrer expérimentalement l’effet du sentiment affi rmé de priorité sur les comportements de conduite de l’individu.
Pour autant, la condition dans laquelle le sentiment de priorité est le plus élevé se distingue négativement des autres conditions expérimentales en termes de collision.
Les travaux sur l’aménagement ne sont pas épuisés, il reste beaucoup à faire. Agir sur les infrastructures, l’aménagement, la conception de l’espace constitue un puissant levier pour produire des effets signifi catifs et durables, sur le niveau de sécurité du système de circulation car leurs caractéristiques et les contraintes qu’ils imposent, déterminent fortement le comportement du conducteur-usager.
Il y a besoin d’alimenter les fondamentaux des guides de conception routière car les différents composants de la circulation routière) évoluent (et de plus en plus rapidement).