Les modes doux

Les modes doux définissent les déplacements non motorisés tels que la marche ou le vélo. Ils regroupent donc les projets dont les thèmes principaux sont les piétons et les cyclistes. Ces usagers vulnérables représentent de forts enjeux en termes de mortalité et de morbidité.
Au niveau mondial, ils représentent 28% de la mortalité globale (OMS 2015), 24% dans l’Union Européenne (ERSO 2008) et 22% en France (ONISR 2016). En France, les derniers résultats pour l’année 2016 montrent une aggravation de la mortalité de 15% pour les piétons et de 7% pour les cyclistes, par rapport à l’année précédente, alors que le nombre total de tués sur les routes est resté stable.

Les thématiques liées à ces usagers vulnérables n’apparaissent que dans les deux premiers appels à projets de la Fondation Sécurité Routière.
Tout d’abord en 2007 avec un thème spécifiquement dédié aux piétons dont les objectifs sont d’améliorer les connaissances sur les aménagements destinés à diminuer les risques, la visibilité, les moyens de détection (en lien avec la sécurité primaire) ou encore sur les facteurs d’exposition au risque comme notamment les piétons âgés, puis en 2008 avec une thématique usagers vulnérables incluant les cyclistes avec des objectifs similaires au 1er appel.
Dans les appels suivants, les piétons et les cyclistes n’ont pas de thématique spécifiquement dédiée, même si des interactions sont possibles avec celles proposées telles que ‘’l’accident des causes aux conséquences’’ ou encore ‘’les nouveaux véhicules et leur impact sur la sécurité ou l’infrastructure’’.

Les onze projets associés à cette thématique peuvent être classés en trois grandes familles :

• Les interactions avec les conducteurs ou l’infrastructure : il s’agit ici, d’une part, d’identifier les situations et les conditions dans lesquelles surviennent ces interactions avec les piétons et les cyclistes (au travers soit d’analyses d’accidents soit d’expérimentation en situation réelle ou simulée) et, d’autre part, de décrire plus précisément le rôle de certains facteurs dans ces interactions (visibilité, environnement, décision de traversée, etc.). C’est le cas par exemple des projets VISIBLE (analyse des problèmes de détection des cyclistes par les conducteurs), PETRA (décision de traversée des piétons), VIPPER (prise d’information du conducteur face à un piéton), SICAP (perceptions et représentations de l’environnement du piéton en interaction avec les conducteurs lors de la tâche de traversée en carrefour) et RATP_PIETON (sécurité des piétons dans un espace public de transport).

• L’amélioration des connaissances sur les mécanismes accidentels (causes) et lésionnels (blessures) : CACIAUP (épidémiologie sur les accidents impliquant un piéton et une voiture) et ASP (vulnérabilité des piétons et optimisation de la protection offerte par les véhicules).

• Les spécificités liées à l’âge regroupant les projets SEPIA (identification des facteurs de risque pour les piétons âgés), SEVAP (étude biomécanique et psychophysiologique du comportement de traversée de routes en milieu urbain, chez le piéton âgé) et PAAM (Analyse de l’accidentalité et de la mobilité des collégiens. Analyses des déterminants psychosociaux, démographiques, géographiques des comportements déclarés).

On retrouve dans l’ensemble des projets proposés dans la thématique « modes doux » une diversité des approches méthodologiques s’appuyant aussi bien sur les disciplines des sciences humaines (sociodémographique, psychologique, psychophysiologique, médecins, épidémiologie) que sur les sciences de l’ingénieur (biomécanique, simulation, modélisation, accidentologie). La plupart de projets propose une identification des situations ou de la population cible autour d’études accidentologiques (VISIBLE, CACIAUP, PAAM, ASP), d’observations sur le terrain (VISIBLE, SICAP, RATP_PIETON, PETRA) ou d’enquêtes/ questionnaires (PAAM, VIPPER). Pour certains d’entre eux cette première étape vise à identifier les scénarios les plus pertinents pour définir soit les situations à simuler (VISIBLE, SEVAP, ASP) soit pour construire une expérimentation ciblée (SEVAP, SEPIA, VIPPER).
Ces différentes approches méthodologiques ont permis de construire ou d’améliorer les outils d’analyse (modélisation plus bio fidèle pour ASP, amélioration des méthodes de recueil et de reconstruction d’accident pour CACIAUP, simulation des interactions conducteur/cycliste pour VISIBLE, simulateur de traversée de rues pour SEVAP) ou d’identifier les principaux déterminants (PETRA, SICAP, VIPPER, PAAM, SEPIA) ou d’aide à la conception par le biais de recommandations (RATP_PIETON).

Le projet CACIAUP a permis la mise en place d’une collecte de données d’accidents dite « en temps réel1 » dédiée au piéton. 100 cas d’accident ont ainsi été recueillis et analysés. Ce projet a également permis la mise en place d’outils et d’un guide pour la reconstruction de ce type d’accident. Parmi les analyses issues de cette collecte, une extension de la méthode des défaillances fonctionnelles humaines applicable aux cas d’accidents avec piéton a été proposée. A partir de cette méthode, une étude des besoins des conducteurs a été réalisée permettant ainsi de mieux caractériser les systèmes d’aides les plus adaptés aux situations rencontrées.

Le projet SEPIA a permis d’identifier les facteurs liés aux comportements à risque notamment chez les personnes âgées, à partir d’expérimentations effectuées sur 3 groupes de classe d’âge différents. Les principaux résultats montrent que : les piétons les plus âgés (70-84 ans) ont pris significativement plus de décisions dangereuses menant à plus de collisions que chez les autres groupes de participants ; une vitesse de marche lente est le « prédicteur » le plus important des décisions risquées de traversée de rue (les personnes âgées traversent plus lentement, adoptent des marges de sécurité plus faibles et entrent plus souvent en collision avec les véhicules à l’approche que les piétons jeunes) ; la surestimation du temps d’arrivée des véhicules, des capacités d’attention visuelle réduites et une vitesse de traitement ralentie augmentent également la probabilité de prendre des décisions de traversée risquées.

Les données recueillies dans le projet SEVAP soutiennent l’idée d’un comportement de traversée plus prudent des participants âgés (tous actifs et en bonne santé) comparativement aux jeunes. Leur engagement sur la chaussée requiert une marge de sécurité accrue, et n’est effective qu’après une exploration plus poussée des voies de circulation. La vitesse de marche des seniors (traduisant essentiellement une augmentation de la cadence des pas) est également plus rapide que celle des jeunes dans des conditions de faible pression temporelle.
Certains résultats de cette étude contrastent avec les statistiques accidentologiques de cette classe d’âge, notamment celle observées dans le projet SEPIA. Ce projet a également permis de capitaliser une base normative pour un inventaire de paramètres relatifs à l’équilibre statique et dynamique ainsi qu’à l’initiation de la marche et la marche elle-même concernant la traversée de rues de piétons âgés en bonne santé.

Les résultats du projet PAAM confirment le pic d’accident piéton entre 11 et 13 ans en France, comme dans beaucoup de pays industrialisés.Les analyses montrent que les accidents se produisent majoritairement les jours ouvrés(85 %), en pleine journée (77 %), et que 50% des accidents ont lieu à moins de 650 m du domicile et 75% à moins de 500 m du collège, dans des zones à forte densité de trafic, plutôt lors de traversée de voies principales. Les scénarios typiques d’accident relèvent davantage d’un manque d’anticipation réciproque que d’un manque de visibilité. De plus, les deux enquêtes réalisées auprès des collégiens montrent que ce sont les collégiens les plus âgés, ceux scolarisés en centres urbains, ceux issus de familles modestes, ceux qui sont les moins supervisés, mais aussi ceux qui ont les comportements les plus masculins et ceux qui perçoivent le moins les risques et les transgressions qui déclarent le plus de comportements piétons à risque accidentel.

Pour le projet VISIBLE, une synthèse bibliographique ainsi que l’étude des données d’accidents ont permis d’établir une liste des situations d’accidents (impliquant le cycliste et un tiers motorisé) les plus fréquentes qui ont ensuite portées sur un simulateur. Les résultats obtenus permettent d’observer que les automobilistes exclusifs (non cyclistes) ont plus de collisions avec des cyclistes que les automobilistes cyclistes et qu’ils détectent moins facilement les cyclistes dans l’environnement urbain quel que soit le type de situations (à faible ou à haute visibilité).

Le projet VIPPER a consisté à déterminer les différents facteurs qui interviennent dans la prise d’information du conducteur face à un piéton et à examiner leurs interactions. Divers outils dédié sont été développés. Pour ce qui est de la vision, un modèle de saillance a été créé. Ce modèle a ainsi été utilisé pour caractériser des situations routières pertinentes et en tirer des descripteurs utilisables pour les corrélations statistiques. Pour l’aspect psychosocial, une batterie d’outils (associations libres, questionnaire de caractérisation, petites histoires et scripts conditionnels) a été élaborée pour étudier le piéton en tant qu’objet de représentation sociale. A partir de ces outils multidisciplinaires un protocole expérimental commun a été défini. Malheureusement la proposition portant sur l’expérimentation proprement dite n’a pas été acceptée lors de l’appel d’offre suivant.

Le projet SICAP avait pour objectif l’élaboration d’un modèle informatique des perceptions et des représentations de l’environnement du piéton en interaction avec les conducteurs lors de la tâche de traversée en carrefour. A partir d’observation, d’analyses vidéo ou in situ, ce projet a permis d’élaborer un algorithme de traversée de rue, basé sur les indices visuels prélevés et une grille d’observation du comportement de traversée.

Les résultats du projet ASP ont permis d’améliorer, d’une part, les connaissances sur la compréhension de la vulnérabilité du piéton et, d’autre part, sur les outils permettant d’évaluer cette vulnérabilité et enfin de travailler sur l’optimisation de la protection offerte par les véhicules. Ce projet a permis de réaliser des essais « full scale » avec ou sans chute au sol.Il ressort en effet de l’analyse combinée des données expérimentales et des simulations que la chute au sol pourrait être responsable de lésions importantes sur le bassin, alors que le choc véhicule semble prédominant pour l’impact tête. Sur la partie évaluation, une évolution des critères de blessures existants a d’ailleurs été proposée pour le bassin ainsi que pour la tête.Pour la partie concernant la protection offerte par les véhicules, le projet a permis de souligner l’intérêt de la prise en compte du choc piéton dans la conception de la face avant des véhicules par rapport aux critères existants.

Pour le projet PETRA, les analyses de contenu des focus-group ont montré que les piétons préfèrent les environnements dans lesquels ils perçoivent un rapport de force favorable par rapport aux automobilistes ou des environnements qui sont très prévisibles. Les résultats montrent également que les perceptions par les piétons du confort et de la sécurité des espaces publics et la décision de traversée varient largement avec les environnements présentés. La spatialisation du site présenté (c’est-à-dire sa localisation par rapport au centre-ville), la présence et la fonction du bâti, ainsi que la présence et la qualité des trottoirs sont des facteurs clés pour expliquer la décision de traversée, en leur permettant de déduire la densité des piétons et du trafic, le rapport de force piéton/conducteur, l’attention du conducteur au piéton et finalement la vitesse du véhicule. A l’opposé, le site engendrant le moins de traversées est le site « rural », caractérisé parles participants par une absence de commerces, un faible nombre d’habitations, une voie large, sans trottoir ni espace latéral dédié aux piétons et sans stationnement.


1 Terme usuellement utilisé pour désigner une collecte réalisée le plus rapidement possible après la survenue de l’accident. Ce terme est généralement opposé à la collecte en temps différé qui désigne celle réalisée plusieurs jours après. 

La plupart des projets relevant de la thématique « modes doux » sont essentiellement tournés vers les piétons. La diversité des sujets ainsi que la multidisciplinarité des équipes en charge des recherches ont permis d’améliorer les connaissances non seulement d’un point de vue épidémiologique mais également sur les comportements et les habitudes, les spécificités liées à l’âge ainsi que les interactions avec les véhicules et le rôle de l’environnement. Si les aspects liés à la sécurité secondaire ont été abordés, on regrette par contre l’absence d’étude sur les systèmes de sécurité primaire et leur efficacité potentielle. On regrette également que la thématique vélo n’ait été abordée que dans un seul projet.