Dépistage du taux d'Alcoolémie par spectrométrie Raman
Porteur de projet, laboratoire et organisme :
Mario Marchetti, Centre d’Etudes
Techniques de l’Equipement de l’Est
Partenaire(s) du projet :
Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique et
Systèmes, UMR 7132 CNRS- Université Paul Verlaine Metz
Rapport final, Projet DAR, 56p., 2011.
Objectifs initiaux du projet
Il s’agissait d’étudier la faisabilité et l’élaboration d’un nouveau détecteur d’alcoolémie par l’analyse du spectre Raman dans une veine, directement à travers l’épiderme d’un sujet, et donc sans prélèvement sanguin.
Cette technologie permettrait de disposer d’un nouvel instrument de terrain de dépistage de l’alcoolémie robuste, fiable, auto-calibrable et de faible coût, à l’usage des forces de l’ordre ou à des fins d’auto-contrôle par les usagers.
Méthodes appliquées
Application de la spectroscopie Raman à des échantillons de sang et de plasma.
Résultats majeurs
La réponse Raman du sang total est bien plus riche que celle du plasma. Sa fluorescence est moindre, à puissance laser égale, que celle mesurée sur les échantillons de plasma. Cet effet est lié à une absorption plus importante et à des phénomènes d’extinction de la fluorescence dus au nombre important de composés présents dans le sang total. De ce fait, des acquisitions sur 20 secondes ont été possibles sur le sang total alors qu’une acquisition de quelques secondes sature le spectromètre pour les échantillons de plasma.
En comparant les spectres de sang total alcoolisé et non alcoolisé il est difficile de mettre en évidence l’apparition de raies directement liées à l’éthanol. Ainsi, en comparant le spectre d’un échantillon de sang total alcoolisé par rapport à celui de l’éthanol, aucune raie ne semble se corréler à la présence d’alcool.
Même si les trois raies de l’éthanol dans les hautes fréquences semblent correspondre, celles-ci sont présentes également dans tous les échantillons ne contenant pas ou peu d’alcool. Cependant, en réalisant une nouvelle apodisation, sur les deux raies principales dans les basses fréquences, 1580 cm-1 et 1634 cm-1, on remarque une évolution relative de ces deux raies qui est différente suivant la présence ou non d’alcool.
En calculant le rapport des intensités de ces pics, en comparant à un échantillon de sang total non alcoolisé, on note une évolution croissante en fonction du taux d’alcool. La variation relative de ces raies est donc un indicateur de la présence de l’alcool dans le sang total. Consistant en un rapport d’intensité de pics, il permet de s’affranchir de la variabilité de signature entre différents individus.
Il est difficile de tirer des conclusions définitives sur la faisabilité d’utilisation d’une sonde Raman in vivo pour la détection d’alcool dans le sang. Les résultats et le sentiment des auteurs sont en effet assez contradictoires.
Si des résultats sur la détectabilité par spectrométrie Raman de la présence d’alcool dans le sang ou le plasma, peuvent être positivement mis en avant, ils ne sont pas suffisamment répétables et reproductibles pour en tirer une conclusion définitive. Le faible nombre d’échantillons cliniques disponibles rend difficile une appréciation de la répétabilité et de la reproductibilité.
Verrous ou points durs levés
On a obtenu des signatures Raman de présence d’alcool dans le sang, mais ces indicateurs sont très divers : pic de l’éthanol, qui est la trace a priori la plus pertinente, pic de l’acétaldéhyde, trace liée à une transformation, mais susceptible de provenir aussi d’autres effets que celui de l’alcool, pics du sang affectés par la présence d’alcool, et là encore susceptibles de provenir d’autres effets inconnus a priori (ingestion médicaments, ...).
Par ailleurs, ces résultats dépendent des individus et varient dans le temps. C’est vrai à la fois du sang même, mais aussi de l’interaction du sang avec l’alcool. Ceci affecte évidemment la reproductibilité et répétabilité des mesures, et donc la fiabilité des résultats. Une question importante n’a pu être abordée : celle du chemin inverse. Les signatures décelées et assignées à la présence d’alcool, peuvent-elles avoir d’autres origines ?
Se posent aussi des questions liées à la méthodologie. Il paraissait indispensable de valider des techniques sur des échantillons, avant d’aborder des études in vivo. Or la définition même d’échantillons pose question dans ce type d’études. Sont-ils suffisamment significatifs d’une population ? En quoi peuvent-ils être considérés comme des échantillons-tests ? Les personnes sur lesquelles ces prélèvements ont été effectués n’étaient-elles pas porteurs d’autres germes pouvant affecter le signal Raman du sang ? Comment transposer des résultats sur des échantillons prélevés sur des expérimentations in vivo ?
Les mesures in vivo, pourtant l’un des objectifs de l’étude, n’ont pu être réellement abordées. Toutefois nous considérons que si la fiabilité des signatures est démontrée sur des populations suffisamment représentatives, le passage in vivo ne constituerait pas un obstacle important puisque la faisabilité de mesures à travers la peau, a été prouvée sur d’autres applications de sonde Raman à travers la peau, en particulier pour la détection du glucose. Un brevet publié sur le même objet après le démarrage de notre étude démontre la
pertinence du projet. Toutefois la lecture de ce document ne fournit pas de réponses satisfaisantes à nos questions et nourrit encore davantage notre perplexité, avec un focus sur le matériel de détection et sur le traitement du signal. A notre connaissance, il n’existe aucune démonstration sur une faisabilité in vivo.
Perspectives ouvertes par le projet et verrous subsistants
Même en l’absence de démonstration in vivo, les résultats sont extrêmement positifs. Si une telle étude est reprise ou prolongée il apparaît indispensable qu’elle soit menée en milieu hospitalier, directement sur des patients représentatifs de la population. Ceci soulève de nombreuses questions éthiques et réglementaires.