ALCOol, vigiLance, Charge de travail : facteurs d'accident chez les jeunes conducteurs

Porteuse de projet, laboratoire et organisme :

Catherine Berthelon, LMA, TS2, IFSTTAR

Partenaire du projet :

Université d’Aix-Marseille, Centre de Recherche PSYCLE, EA 3273


Rapport final, Projet Alcolac, 64 p., 2013

Rapport intermédiaire n°1, Projet Alcolac, 31 p., 2013

Rapport intermédiaire n°2, Projet Alcolac, 75 p., 2013


Objectifs initiaux du projet

Deux études ont été effectuées et ont testé : pour l’une, l’hypothèse qu’une charge de travail élevée jusqu’à un certain seuil augmenterait le niveau de vigilance et favoriserait les performances de conduite, alors qu’une surcharge de travail aurait des effets délétères en augmentant la tension des conducteurs et diminuant la vigilance. Cette valeur seuil devrait être plus faible pour les conducteurs novices que pour les conducteurs expérimentés. La seconde étude testait l’hypothèse que la prise d’une faible dose d’alcool en début d’après-midi, moment de faible vigilance, pourrait entraîner un assoupissement précoce, notamment chez les jeunes conducteurs novices, ayant des répercussions sur la performance de conduite. La baisse de performance devrait s’amplifier au fur et à mesure de la conduite.

Méthodes appliquées

Dans les deux études, des conducteurs novices (18 ans, moins de 2 mois de permis) et des conducteurs expérimentés (21 ans, permis depuis 3 ans) ont conduit un simulateur. Les performances de conduite étaient enregistrées, des échelles d’autoévaluation mesuraient le niveau de vigilance, de tension et de charge de travail subjectives. Des mesures physiologiques de vigilance (EEG), de tension (EDA) et de charge mentale (rythme cardiaque) étaient enregistrées. Première étude : des circuits de complexité variable étaient utilisés (simple, moyennement complexe, très complexe) et des scénarii impliquant un piéton étaient disposés dans chaque circuit. Les piétons étaient masqués par un décor variable, ils traversaient devant le participant avec un temps court pour les éviter. Seconde étude : le circuit était de type autoroutier dans 3 sessions expérimentales dans lequel le niveau d’alcool était manipulé (BAC de 0, 0,2 et 0,5 g/l). L’alcool était consommé en début d’après-midi et les participants conduisaient pendant 45 mn sur un circuit monotone.

Résultats majeurs

Globalement, les performances se dégradent lorsque la situation de conduite se complexifie et sous l’emprise de l’alcool. La charge de travail et la tension objectives sont plus élevées, alors que la vigilance objective est plus faible pour les conducteurs novices que pour les conducteurs expérimentés. Cela témoigne de l’effort supplémentaire que les novices doivent fournir pour effectuer la tâche de conduite. Cette forte dépense énergétique les prédispose donc à la surcharge et à ses répercussions délétères sur la conduite, ainsi la première étude montre que leurs temps de réaction sont plus longs que ceux des conducteurs expérimentés et que leur nombre de collisions avec les piétons est plus élevé.

Par ailleurs, l’alcool semble avoir des effets à des doses plus faibles chez les jeunes conducteurs novices que chez les jeunes conducteurs expérimentés puisque la stabilité de leur vitesse diminue avec 0.5 g/l alors que la vitesse des expérimentés reste stable. Ce résultat est cohérent avec le fait que l’alcool provoque communément à faible dose un effet psychostimulant, puis avec l’augmentation de la dose un effet sédatif. L’effet psychostimulant est associé à une augmentation de la vitesse d’exécution accompagnée d’une augmentation du nombre d’erreurs. Il semblerait donc que les plus expérimentés soient capables de gérer cet effet psychostimulant. De plus, l’alcool dégrade les performances de conduite, et ceci d’autant plus que l’effort ressenti est élevé, que la vigilance est faible et que les conducteurs manquent d’expérience, et ceci dès 0.2 g/l.

Nos deux études ont donc permis d’identifier des facteurs permettant de compenser la dégradation des performances par des stratégies de régulation de la conduite, ou au contraire de renforcer cette dégradation, et de comprendre leur interaction. Ainsi, malgré des situations de conduite considérées comme délétères pour les performances, celles-ci sont relativement préservées lorsque les conducteurs sont expérimentés et lorsque leur niveau de vigilance est élevé. L’effet du manque d’expérience pourrait donc se faire particulièrement sentir dans des situations de conduite difficiles mais aussi dans des situations où plusieurs facteurs de risque sont combinés.

Verrous ou points durs levés

Accords pour l’étude alcool longs à obtenir, considérations éthiques nombreuses.

Perspectives ouvertes par le projet et verrous subsistants :

Nos résultats soulignent que l’apprentissage de la conduite, au-delà des quelques heures de conduite en école avant l’obtention du permis, se construit sur la durée et est en évolution constante. Il reste alors à différencier les évolutions dues à la pratique de la conduite de celles dues à l’âge, en particulier en ce qui concerne la prise de conscience de son état interne.