Piétons, Environnements urbains et décisions de TRAversée

Porteuse du projet, laboratoire et organisme:

Marie-Axelle Granié, MA, INRETS

Partenaire du projet :

Service Aménagements Urbains, Sécurité et Eclairage, CETE Méditerranée


Rapport final


Marie Claude Montel, Thierry Brenac, Marie-Axelle Granié, Marine Millot, Cécile Coquelet. Urban environments, pedestrian-friendliness and crossing decisions. Transportation Research Board 92nd Annual Meeting, Jan 2013, Washington, France. 13p, 2013. 〈hal-00841335〉


Objectifs initiaux du projet

Notre hypothèse de recherche est que l’environnement de la traversée et les éléments qui le composent vont influencer les prises d’informations et la prise de décision de traversée chez les piétons. Nous faisons également l’hypothèse que cela relève d’une organisation conceptuelle chez le piéton qui varie en fonction du niveau d’expérience acquise par l’individu, en tant que piéton et en tant que conducteur.

Méthodes appliquées

Dans une première étude, nous avons exploré, par la méthode des focus groups, la perception de 20 environnements de rues présentant une certaine diversité, du point de vue du bâti, des activités, de la position par rapport au centre-ville, de la largeur des trottoirs et du type de trafic.

Dans une deuxième étude, cinq environnements différenciés (centre-ville, habitat collectif, première couronne, zone commerciale, zone rurale) ont été présentés sous format photographique présentant 5 vues du site prises du point de vue du piéton et permettant une représentation à 180° de l’environnement de traversée. Les individus devaient indiquer puis expliquer leur décision de traverser ou non dans le cadre d’un entretien d’exploration critique.

Résultats majeurs

L’analyse de contenu du matériau verbal obtenu lors des focus groupes montre que les piétons préfèrent les environnements dans lesquels ils perçoivent un rapport de force favorable par rapport aux automobilistes ou les environnements qui sont très prévisibles.

Les analyses quantitatives des données de la deuxième étude montrent que les perceptions par les piétons du confort et de la sécurité des espaces publics et la décision de traversée varient largement avec les environnements présentés, les piétons étant significativement plus enclins à prendre la décision de traverser dans le centre-ville.

Les analyses qualitatives pointent les différences entre sites concernant les éléments de la scène pris en compte et les inférences sur l’environnement et sur les comportements des conducteurs et des piétons.
La spatialisation du site présenté (c’est-à-dire sa localisation par rapport au centre-ville), la présence et la fonction du bâti, ainsi que la présence et la qualité des trottoirs sont des facteurs clés pour expliquer la décision de traversée, permettant aux piétons de déduire la densité des piétons et du trafic, le rapport de force piéton/conducteur, l’attention du conducteur au piéton et finalement la vitesse du véhicule.

Verrous ou points durs levés

D’une manière générale, les résultats montrent que les piétons conservent une lecture routière de l’espace à traverser, avec un rapport de force largement favorable à la voiture. Ceci peut interpeller les démarches en cours, visant à placer le piéton au cœur de la mobilité urbaine.

Cela conforte les travaux montrant que la place du piéton doit être clairement identifiée dans les partis d’aménagement et lisible pour le piéton mais aussi pour les autres usagers, afin de leur permettre d’inférer rapidement leurs places respectives dans l’environnement, notamment lorsque le rapport de « domination » dans l’environnement change. En effet, les analyses font ressortir que les environnements les plus difficiles à interpréter pour les piétons sont les sites dans lesquels la forte présence d’habitations peut faire inférer une forte présence de piétons mais dans lesquels le statut de la voie ne permet pas facilement d’inférer le type de trafic (transit ou desserte) dans la zone.

Perspectives ouvertes par le projet et verrous subsistants

Ces résultats demandent à être confirmés, par des méthodologies différentes, comme les parcours commentés. De plus, il serait nécessaire de confronter les piétons à des scènes dynamiques, afin de cerner l’apport des éléments dynamiques par rapport aux éléments statiques dans la construction d’inférences et dans l’influence de l’environnement bâti sur les prises de décisions et de vérifier que les inférences observées dans cette étude sont effectivement produites et utilisées en situation réelle de traversée.

Par ailleurs, la diversité des décisions de traversées produites à partir des mêmes indices prélevés dans l’environnement amène à interroger le poids des facteurs psychologiques (rapport au risque et à la règle notamment), des expériences de vie (modes de déplacement, lieu d’habitation, catégorie socio-culturelle), des représentations et des stéréotypes associés à certains environnements (la « banlieue » par exemple) sur les inférences produites.