Piétons, Adolescents : Accidentologie et Mobilité

Porteuse de projet, laboratoire et organisme :

Marie-Axelle Granié, LMA, TS2, IFSTTAR

Partenaire(s) du projet :

Espaces, Nature et Culture (ENEC), UMR 8185 CNRS
GEOSYSCOM , UMR IDEES 6266 CNRS

Objectifs initiaux du projet

En articulant deux champs d’analyse de la sécurité routière (l’accidentologie fi ne et spatialisée avec l’analyse approfondie des comportements et des facteurs psycho-sociaux), notre projet a eu pour objectif de cerner finement la mobilité des collégiens et leur accidentologie en tant que piéton et de spécifier des déterminants géographiques, psychologiques et sociologiques de ces deux variables et de leurs relations.

Méthodes appliquées

Une étude de l’accidentologie 2002-2011 des collégiens sur la France entière à partir d’un échantillon de procès-verbaux d’accidents a été complétée, sur le terrain d’étude de la région de Lille (France) par l’analyse spatialisée de l’accidentologie locale (avec scénarios types d’accidents) et de la mobilité des 10-15 ans à partir des données de l’enquête ménages-déplacements de 2006.

Sur le même terrain d’étude, deux enquêtes ont ensuite été menées. Une première enquête par questionnaire auprès de 2 500 collégiens de 10 à 16 ans a permis de cerner les pratiques fines de mobilité et leurs déterminants socio-spatiaux. Elle a également permis d’explorer les variables sociodémographiques (âge, sexe) et psychologiques (rôles de sexe, perceptions des normes sociales, des risques, des règles, du niveau de supervision) expliquant les comportements déclarés en tant que piéton. Une deuxième enquête auprès de 300 collégiens a porté sur la perception par les collégiens des environnements de marche connus et inconnus. Elle a permis de dresser une cartographie sensible de leur environnement de marche réel et de procéder à une analyse qualitative des éléments qu’ils utilisent pour juger de l’agrément, du confort et de la sécurité et caractériser leur représentation, positive ou négative, des trajets en tant que piéton.

Résultats majeurs

Cette recherche confirme le pic d’accident piéton entre 11 et 13 ans à l’entrée dans l’enseignement secondaire. Les analyses montrent que les accidents se produisent majoritairement les jours ouvrés (85 %),
particulièrement le mercredi (20 %), en pleine journée (77 %) ou de nuit avec éclairage allumé (14 %). 50% des accidents ont lieu à moins de 650 m du domicile et 75% à moins de 500 m du collège, dans des zones à forte densité de trafic, plutôt lors de traversée de voies principales. Les scénarios typiques d’accident relèvent davantage d’un manque d’anticipation réciproque que d’un manque de visibilité. Les transports collectifs (TC) et les piétons accompagnants (pairs ou adultes) jouent un rôle important, direct et indirect, dans les accidents piétons des collégiens.

L’analyse de la mobilité montre que 31 % des collégiens sont quotidiennement passagers de voiture tandis que 25 % ne le sont quasiment jamais. Moins de 1 % est usager de deux-roues motorisé, alors que 24 % utilisent les transports collectifs tous les jours et 77 % la marche (surtout chez les familles modestes ou monoparentales).

Les pratiques éducatives, par le niveau de supervision et le choix de l’établissement scolaire, impactent fortement la fréquence de la marche à pied. Celle-ci n’augmente pas avec le passage au collège, mais
l’accompagnement par l’adulte est remplacé par celui des pairs. L’utilisation des TC augmente avec l’âge, au détriment de la voiture et de la marche, tandis que les différences de sexe dans la mobilité (plus de vélo et de TC chez les garçons, plus d’accompagnement et de marche chez les filles) ne sont visibles que jusqu’en 5ème.

Les deux enquêtes auprès des collégiens montrent que ce sont les collégiens les plus âgés, ceux scolarisés en centres urbains, ceux issus de familles modestes, ceux qui sont les moins supervisés, mais aussi ceux qui ont les comportements les plus masculins et ceux qui perçoivent le moins les risques et les transgressions qui déclarent le plus de comportements piétons à risque accidentel. De plus, les collégiens justifient leurs perceptions et leurs comportements à risque par ceux qu’ils attribuent à leurs parents et à leurs pairs.

Les collégiens perçoivent la présence et le niveau d’entretien des dispositifs pour les piétons (trottoirs, feux, passages piétons) comme des symboles de la prise en compte des piétons, affectant leur perception de l’agrément et de la sécurité des environnements de marche. La présence des pairs est perçue comme un facteur d’agrément, mais aussi de sûreté des trajets à pied, face à la crainte des mauvaises rencontres.

Verrous ou points durs levés

On comprend mieux les phénomènes et processus en jeu dans l’accidentologie des adolescents de 10-15 ans et ainsi les mesures à prendre pour pallier ce problème.

Perspectives ouvertes par le projet et verrous subsistants

Pour autant, ces modifications dans le rapport au risque, dans les attitudes et les valeurs susceptibles d’expliquer la conformité aux règles routières ne semblent pas se traduire directement dans l’accidentologie piétonne des adolescents, qui baisse au cours des années de collège. Elles sont toutefois susceptibles d’impacter le rapport plus général des collégiens aux règles routières, notamment lors de l’accession autonome, dès la fin du collège, aux modes de déplacements motorisés et mériteraient d’être davantage prises en compte dans le continuum éducatif à la sécurité routière.

Plus généralement, la sécurité des 10-14 ans dans le cadre de leurs déplacements quotidiens à pied dépend en grande partie de la qualité des aménagements autour des collèges, de l’offre de transport actif et largement aussi de la localisation géographique des établissements dans l’espace urbain (en centre-ville vs zone périphérique, dans un tissu urbain où la présence des piétons est marquée vs un tissu urbain distendu ou mixte plus favorable à la voiture). Or, les choix de localisation des établissements scolaires dépendent de facteurs plus larges (historique, économique comme le coût du foncier, urbanistique comme la disponibilité foncière), et on peut présager que la prise en compte de l’accessibilité -notamment à pied en toute sécurité n’est pas forcément prégnante dans les critères de leur implantation. Il s’agit donc là d’un problème général d’aménagement du territoire à l’échelle d’une ville.