L'infrastructure

Le thème Infrastructure apparaît, directement ou indirectement, dans tous les appels à projets de la Fondation et plusieurs projets ainsi subventionnés ont traité, dans des proportions variables, de problématiques en lien avec l’infrastructure routière. Dans les premiers appels (2007 et 2008), les accidents contre obstacles sont cités comme un enjeu majeur en interurbain mais également en urbain orientant l’appel vers le concept d’infrastructure « pardonnante ». L’infrastructure y est également présente dans la thématique piéton pour adresser des questions en lien avec les aménagements visant à faciliter et sécuriser leurs déplacements. Pointant l’absence d’évaluation sur des pratiques existantes, l’appel de 2012 fait référence à la nécessité de quantifier l’impact de plans d’actions (PDU, plan, de gestion du trafic, …) mais également d’aménagements plus ponctuels sur la sécurité routière. Cet appel évoque également le thème de la lisibilité et de la perception de l’environnement comme sujet d’intérêt.

Les projets financés par la Fondation sur ce thème poursuivent des objectifs qui peuvent être regroupés en trois grandes familles. La première est centrée sur le véhicule et son conducteur. Elle poursuit l’objectif de mieux comprendre les interactions du conducteur/ véhicule avec l’infrastructure afin de proposer des aménagements permettant d’agir sur le comportement du conducteur/véhicule afin de réduire le risque d’accidents (PROFIL, DYMOA, SANTAFE, 6T_VITESSE).

La seconde vise à mieux appréhender le comportement du piéton lors de ses déplacements (PAAM) ou lors de traversée de rues (PETRA, RATP_PIETON, SICAP) afin d’identifier les aménagements et environnements qui impactent ces comportements et la sécurité des piétons. Enfin, la dernière entend améliorer les connaissances sur l’implication de l’infrastructure dans la survenue des accidents de certaines populations tels que les jeunes ou les deux-roues motorisés (DRMSpatial, PAAM).

Aménagements et comportement véhicule / conducteur

En réponse à l’appel à projets 2012, le projet PROFIL vise à identifier, mesurer et quantifier l’influence du profil en travers sur les trajectoires pour différentes conditions de circulation. Il s’agit notamment de produire des éléments de recommandation à destination des gestionnaires permettant de modifier le comportement des conducteurs en agissant sur leur perception de l’environnement. En réponse au même appel à projets, le projet DYMOA a pour but de développer de nouvelles méthodes de diagnostic des infrastructures routières à l’aide d’Enregistreurs de Données de la Route, en se basant notamment sur l’analyse d’incidents de conduite des deux-roues motorisés et des véhicules légers. Il entend également renseigner sur les interactions entre deux-roues motorisé et infrastructure ainsi que sur l’usage réel de l’infrastructure par ce type de véhicule et de les comparer à l’équivalent pour les véhicules légers. Le projet SANTAFE (appel à projets 2012) se propose d’étudier le sentiment de priorité, observé dans des études détaillées des accidents, en étudiant sur simulateur de conduite le comportement des conducteurs en lien avec l’infrastructure et des variables psychosociales propres aux conducteurs. Enfin, en réponse à l’appel à projets 2011, le projet 6T_VITESSE vise à étudier l’acceptabilité et les effets de la réduction à 30 km/h de la vitesse maximale autorisée sur des grands axes de circulation parisiens.

Aménagement et comportement piéton

Le projet PETRA (appel à projets 2009) entendait vérifier l’hypothèse de recherche que l’environnement de la traversée et les éléments qui le composent (dont l’aménagement des routes et des rues) influence les prises d’informations et la prise de décision de traversée chez les piétons. Le projet RATP_PIETON (appel à projets 2009) visait à mieux comprendre le comportement des usagers en lien avec la traversée des piétons aux abords de stations de transports en commun. Il interrogeait la manière dont l’aménagement façonne les comportements des usagers et plus largement comment l’environnement spatial, l’agrément et le confort renforcent la sécurité du piéton afin de favoriser des comportements de sécurité de chacun et la cohabitation de tous les usagers. Bien que ne figurant parmi les objectifs clairement affichés, les projets SICAP (appel à projets 2007) et PAAM (appel à projets 2008) se sont également intéressés au lien entre infrastructure et comportement des piétons afin, de modéliser informatiquement les perceptions et les représentations de l’environnement du piéton lors de la tâche de traversée en carrefour (SICAP) et de mieux appréhender la manière donc l’aménagement affectait la perception de l’agrément de la sécurité des environnements de marche des collégiens (PAAM).

Aménagement et accidentalité

La prise en compte du rôle joué par l’infrastructure dans la survenue des accidents faisait partie intégrante des facteurs à étudier dans les projets DRMSpatial (appel à projets 2008) et PAAM portant respectivement, sur l’insécurité routière avérée des deux-roues motorisés et des collégiens.

Dans la plupart des cas, les travaux menés sur la thématique infrastructures s’appuient sur des approches multidisciplinaires associant des sciences humaines et des sciences et techniques de l’ingénieur.

Les recherches menées s’appuient en grande partie sur des observations permettant de « mesurer » le comportement des usagers, de manière objective ou subjective. Ces observations sont réalisées en situation réelle ou en laboratoire. In situ, les données sont recueillies à l’aide d’une vaste palette d’outils : véhicules instrumentés (PROFIL, DYMOA), capteurs bord de voie (SICAP), observations terrains et questionnaires (RATP_PIETON, 6T_VITESSE). En laboratoire, les recherches sont menées de manière dynamique sur simulateur conduite ou de trafic (SANTAFE, PROFIL), statique par projection de photos (PETRA), par entretiens collectifs ou individuels (PETRA, PAAM) ou par questionnaire (SANTAFE). Les données font ensuite l’objet d’analyses quantitatives et/ou qualitatives.

En ce qui concerne le lien entre accidentalité/ accidentologie et infrastructure, les recherches reposent sur l’exploitation des procès-verbaux d’accidents et la définition de scénarios d’accidents (DRMSpatial, PAAM).

Le projet PROFIL a permis d’investiguer l’influence d’aménagements permettant de redistribuer le profil en travers des voies (diminution de la largeur des voies, introduction de bandes dérasées) sur le comportement des usagers. Les résultats montrent notamment qu’un redimensionnement de l’espace roulable par l’emploi de bandes dérasées est à même d’induire un repositionnement latéral des véhicules limitant le risque de sortie de route sans induire de comportement délétères notamment en terme de vitesses pratiquées.

Le projet DYMOA a conduit à l’élaboration d’un EDR sécurisé basé sur l’usage d’un smartphone destiné aux véhicules légers et aux deux-roues motorisés. Il a abouti à la mise en place d’un guide juridique pour respecter les droits des conducteurs et les obligations des chercheurs dans le cadre de ce type d’expérimentation. Enfin, il a permis la production de connaissances sur la conduite naturelle des 2RM en termes notamment d’usage de l’infrastructure, de détection des caractéristiques d’infrastructure qui posent problèmes aux deux-roues motorisés, d’utilisation réelle de leurs capacités dynamiques, etc. Les résultats obtenus sur simulateur de conduite dans le projet SANTAFE ont mis en évidence l’impact négatif d’éléments qui renforcent le statut prioritaire des conducteurs sur le risque d’accident en intersection. Ainsi les conducteurs soumis à une consigne (« vous roulez sur une route prioritaire ») et/ou au panneau AB2 (rappelant qu’ils sont prioritaires) ont eu deux fois plus d’accidents que les conducteurs testés dans la condition sans consigne et sans panneau.

Le projet 6T_VITESSE a montré que l’introduction d’une limitation de vitesse à 30 km/h sur des axes structurants parisiens a été très bien accueillie avec 85 % des usagers qui se déclarent favorables à la mise en place de cette mesure sur l’Avenue de Clichy. Même les automobilistes et les utilisateurs réguliers de deux-roues motorisés sont près de la moitié à être favorables à une telle mesure avant et plus de la moitié après l’expérimentation. Les convictions personnelles et les sentiments d’équité en faveur des modes « vulnérables » (piétons et cyclistes) expliquent l’acceptabilité d’une telle mesure. Les effets positifs pressentis par les usagers favorables sont une amélioration de la sécurité routière et des traversées pour les piétons. Les effets négatifs pressentis par les usagers défavorables sont une augmentation des embouteillages et des temps de déplacements, surtout de la part des automobilistes.
Le projet PETRA a permis de mieux cerner les environnements qui favorisent la décision de traversée des piétons indiquant une large préférence pour les environnements dans lesquels ils perçoivent un rapport de force favorable par rapport aux automobilistes ou des environnements qui sont très prévisibles, organisés et simplifient la prise de décision. En termes d’aménagement, cette recherche pointe la nécessité de mieux prendre en compte la « marchabilité » des espaces publics (présence, largeur et hauteur des trottoirs, qualité du revêtement, limitation de vitesse, nombre de voies de circulation, …).

Le projet RATP_PIETON a également produit un ensemble de résultats concernant l’impact de l’aménagement sur la traversée des piétons. L’observation des comportements des piétons traversant sur passage piéton montre des différences en fonction du type d’infrastructure et des conditions de circulation. En effet, certaines conditions sont défavorables au respect de la signalisation par les piétons, comme une réduction de la largeur de la traversée, un faible trafic, ou un intervalle entre deux flux de véhicules. En comparant les traversées de piétons dans carrefour avec et sans feux, le projet SICAP a montré que la présence de feux induisait une conformité plus grande de l’utilisation des passages piétons, une plus grande focalisation sur les autres et un sentiment de priorité piéton moins affirmé. La présence ou non de stationnement à l’arrivée de la traversée a également été étudiée : les piétons semblent plus prudents lors de la traversée en l’absence de stationnement et plus focalisés sur le trafic en présence de véhicules stationnés.

Le projet PAAM apporte des éclairages sur la perception qu’ont les adolescents de leurs environnements de marche. Ainsi, ils se sentent plus vulnérables en tant que piéton dans un environnement qui n’est pas forcément pensé et aménagé pour la marche. D’après les résultats obtenus, les lieux multimodaux (à proximité des stations de métro ou de bus) apparaissent comme des lieux complexes et comme «sous tension» (trop de trafic, de vitesse, de bus, de piétons, pas assez de protection, de visibilité, …). Enfin, le stationnement des véhicules, combiné au bâti, semble un indice important du comportement à venir des conducteurs face aux piétons collégiens. De la même façon la présence de feux peut être perçue négativement par certains collégiens car elle est selon eux un indice de densité de trafic et donc de traversées plus complexes et dangereuses mais, pour d’autres, elle suppose une traversée facilitée, car elle permet une délégation à l’environnement de la prise de décision, abaissant le sentiment de danger. Sur le volet accidentalité, les résultats de ce même projet PAAM ont permis de mieux appréhender l’accidentalité des jeunes au regard des aménagements :

• les accidents se produisent plutôt lors de la traversée de voies principales ;

• le véhicule de transports en commun peut constituer un masque à la visibilité ou un point de focalisation de l’attention des adolescents ;

• une part non négligeable des accidents implique un masque à la visibilité, du fait d’un véhicule stationné ou arrêté, parfois pour céder le passage au piéton, ...

• les accidents des 11-15 ans se concentrent principalement dans des zones dites de transitions (zones urbanisées et forte mobilité) caractérisées par un trafic routier important, une présence importante de transports en commun, des largeurs de voie importantes et une densité d’habitation moyenne.

Concernant l’accidentalité des deux roues motorisés, le projet DRMSpatial a investigué la question du sur-risque d’accident de cette catégorie d’usagers sur les voies dotées d’aménagements cyclables. Les résultats des analyses mises en oeuvre indiquent une surreprésentation d’accidents de deux roues motorisés (par rapport aux usagers des autres modes) sur ce type de voie avec un sur-risque plus important sur les voies avec bande cyclable que pour celles avec piste cyclable.

Les projets financés par la Fondation sur ce thème ont produit un large éventail de résultats sur les interactions entre aménagements routiers et urbains et les usagers des routes et des rues.
En tout premier lieu, ils ont contribué à améliorer ou conforter nos connaissances sur la manière dont les aménagements influencent le comportement des usagers. En second lieu, mais de manière plus modeste, les travaux ont permis de tester et d’évaluer l’impact comportemental et l’acceptabilité de certaines solutions d’aménagements existantes ou innovantes.
L’ensemble des enseignements qui en découlent contribuent à alimenter, scientifiquement, les réflexions portant sur l’élaboration de la doctrine technique dans ce domaine Sur le plan scientifique et technique, les travaux menés ont également donné naissance au développement de nouveaux outils de recueil, de traitement et d’analyse de données susceptibles d’être utilisés dans des recherches ultérieures.